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Festival de Cannes 
54e Quinzaine des Réalisateurs 2022 
 
Interview

Axelle vit le pire jour de sa vie : alors qu’elle se remet mal d’une rupture amoureuse, elle doit se rendre à l’Enterrement de Vie de Jeune Fille de sa sœur, dans une station thermale fantomatique en pleine montagne. Heureusement, parmi les invitées, il y a Marguerite. Au détour d’un regard, l’amour revient.

Bonjour Maïté, c'est super de discuter avec toi, comment as-tu suivi tout ce qui s'est passé?

 

Bonjour !! Si cette question est bien à propos du covid (je ne suis pas sûre de bien l’interpréter…), je l’ai plutôt mieux vécu que beaucoup de personnes, car je suis surtout scénariste, et que le milieu de l’audiovisuel en France a continué de fonctionner même pendant les périodes de confinement.

 

Avez-vous été capable de rester positif et créatif au moins?

 

Positive je ne sais pas, créative oui, je pense. J’ai commencé à écrire les épisodes de ma première série, que je co-écris avec Giulia Volli, et qui sera tournée cet automne. (Il s’agit d’une série, pour France TV, sur la Chasse aux Sorcières au Pays Basque au 17ème siècle).

 

Vous avez eu une excellente réponse à votre court métrage primé Massacre, qu'est-ce que cela signifie pour vous d'obtenir ce type de reconnaissance pour ce film?

 

C’est vrai, Massacre a eu un beau succès, j’en suis très heureuse et fière. C’était mon premier film, donc évidemment ça donne confiance, ça donne de la force pour faire d’autres choses, pour continuer.

 

Félicitations pour votre première mondiale de Des jeunes filles enterrent leur vie à la Quinzaine des réalisateurs, êtes-vous ravi d'être de retour au festival?

 

Bien sûr, je suis ravie, l’équipe est ravie, les comédiennes sont ravies… Je crois qu’on peut difficilement rêver mieux pour la première d’un film.

 

Quelle est l'importance des plateformes comme la Quinzaine des réalisateurs pour défendre les cinéastes indépendants et le court métrage?

 

Personnellement, c’est la première fois que je vais aller à la Quinzaine des Réalisateurs, et j’ai très hâte de voir les autres films sélectionnés, qui ont l’air tous très intelligents et sensibles. C’est évidemment incroyable quand on porte un court-métrage de pouvoir être invitée à un événement comme celui-ci, où les films sont peu nombreux et donc très « choyés ».

 

Pouvez-vous me parler un peu de la genèse de Des jeunes filles enterrent leur vie?

 

Je crois que la genèse du film vient tout simplement de l’âge dans lequel je suis en train d’entrer. Un âge où certaines de mes amies font des choix d’engagement comme se marier, fonder une famille… Tandis que d’autres font les choses différemment, inventent de nouvelles formes de relations en sortant de l’exclusivité par exemple. Et ce qui est frappant, c’est que ce n’est simple pour aucune. Ce qui m’a intéressé, c’est le décalage entre ce qu’on projetait, enfants, petites filles, sur l’Amour (des Images, et donc un Imaginaire très influencé par les contes de fée, et par les adaptations en dessins animés de ces contes), et la Réalité complexe qu’on découvre quand on a bientôt 30 ans, qu’on a traversé déjà plusieurs histoires et donc plusieurs épisodes violents de rupture… Il y a un tiraillement entre le réel et l’imaginaire qui a été construit depuis l’enfance, et c’est ce tiraillement qui m’a intéressé.

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En quoi le scénario de Nelly Dugelay vous a-t-il tant intéressé?

 

Ici c’est une erreur de traduction : le mot « scripte » en français signifie « script-girl / continuity girl » (je pense qu’on dit comme ça)… J’ai écrit moi-même le scénario du film!

 

En tant que cinéaste, vous autorisez-vous beaucoup de flexibilité avec le scénario lorsque vous réalisez un film?

 

Oui et non. J’adore me dire qu’au moment du tournage, je lâche le scénario pour regarder ce qui se passe, pour embrasser le réel, mais la réalité c’est que quand je relis mon scénario après le montage, ça ressemble quand même beaucoup ! Sur ce film, par exemple, je me suis autorisée beaucoup de flexibilité avec les dialogues : j’ai parfois proposé aux comédiennes de se lancer dans les scènes en les laissant improviser autour d’une trame. Mais au-delà des dialogues, je crois que je me suis beaucoup appuyée sur le scénario.

 

Quels ont été les plus grands défis auxquels vous avez dû faire face pour faire des courts métrages?

 

Ma propre angoisse. La peur de ne pas réussir, de faire quelque chose de raté. En fait, le plus difficile, je trouve, c’est de lutter contre la peur.

 

Que dit votre travail sur vous?

 

Les deux films que j’ai réalisés essaient de « gratter » des images de carte postale pour voir ce qu’il y a en dessous. Massacre, c’est un film qui se passe dans un contexte « paradisiaque » mais ce contexte est vu du point de vue des dominés, des exclus, donc vu « à l’envers », par le bas. Et dans mon nouveau film, il y a quelque chose comme ça aussi : l’enterrement de vie de jeune fille, c’est sensé être un moment de fête, de joie… Mais quand on le regarde du point de vue de ceux qui ne rentrent pas dans la norme (la norme hétérosexuelle, la norme du couple), le rêve devient vite un cauchemar. Je ne sais pas ce que cela dit de moi, en revanche. Je serai peut-être capable de le comprendre dans plusieurs années…

 

D'où vient votre passion pour le cinéma?

 

J’ai grandi à la campagne, et le cinéma était donc très éloigné de la maison. Mais plusieurs choses l’y ont fait entrer : d’une part, j’aime inventer des histoires depuis longtemps. D’autre part, mon père pratiquait la photographie, en amateur, quand j’étais enfant, et d’ailleurs il nous a très vite offert, à ma sœur et moi, des appareils photos argentiques. On avait le droit de prendre autant de photos qu’on voulait, et il allait les faire tirer. J’ai une collection de centaines de photos de chats, de poules, de ciel… Et donc le mélange de l’amour des récits et de l’image photographique m’a emmenée au cinéma. Au lycée j’ai vu beaucoup de films, j’ai emprunté des filmographies entières à la médiathèque de Châtellerault, la ville la plus proche (David Lynch, Tony Gatlif…) et je me suis dit que c’était avec cet art là que j’avais envie de raconter des histoires.

"Moi par exemple j’ai passé des années à tenter en vain de ressembler à une personne que je n’étais pas, à mentir en disant que j’avais été influencée par tel ou tel film, par exemple, que je voyais comme le bon goût cinéphile, alors que c’était faux."

Quels sont certains des thèmes que vous avez hâte d'explorer avec de futurs films?

 

Il y a l’idée de la sorcellerie, qui traverse un peu tout ce que je fais, que je continue d’explorer dans les prochains. Et de manière plus globale, je travaille dans mes prochains projets sur des formes de récit qui se rapprochent des contes, qui racontent les années 2020 comme des contes.

 

Dans quelle mesure votre approche du travail que vous créez a-t-elle changé depuis votre premier court métrage?

 

J’ai eu la chance de rencontrer de nombreux collaborateurs et collaboratrices, sur mon premier court-métrage, avec lesquels je continue à travailler. Donc on se connaît de mieux en mieux, on travaille de mieux en mieux ensemble je trouve. Donc je ne dirai pas que ma manière de travailler change, mais plutôt qu’elle s’enrichit de beaucoup de conversations, de réflexions menées en collectif.

 

Avez-vous des astuces ou des conseils que vous aimeriez donner aux cinéastes ou écrivains en herbe?

 

Je crois que trouver les bonnes personnes avec lesquelles créer est primordial. Et je crois aussi qu’il ne faut pas se forcer à aller contre soi-même. Moi par exemple j’ai passé des années à tenter en vain de ressembler à une personne que je n’étais pas, à mentir en disant que j’avais été influencée par tel ou tel film, par exemple, que je voyais comme le bon goût cinéphile, alors que c’était faux. C’est difficile de se sentir légitime à créer, mais je crois que quand on y va, il faut y aller avec notre vérité.

 

Et enfin, qu'espérez-vous que le public retiendra en regardant Des jeunes filles enterrent leur vie?

 

J’espère que le public sera ému, quelles que soient les émotions en question. On verra ! J’ai hâte d’en discuter avec les premiers spectateurs.

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